Pierre Feuille Pistolet, un file de Maciek Hamela, le 8 Novembre 2023

Pierre Feuille Pistolet, un film du réalisateur polonais Maciek Hamela, sélectionné au 
Festival de Cannes 2023 - 85 min. Sortie officielle 8 novembre
 
Dans son magnifique roman Siddhartha, publié en 1922, Hermann Hesse, nous initie au 
concept du "Passeur“. Siddhartha, le héros de l’histoire, a un jour traversé une rivière dans 
sa totale insouciante jeunesse à la découverte du grand monde. Devenu vieux et 
ascète et donc enfin sage, il repasse par cette rivière et cette fois-ci prends le temps 
d’écouter le passeur, ce pauvre homme dont le seul territoire de vie, aura été 
uniquement celui entre les deux rives. Mais ce passeur hérite et s’enrichit des récits 
cumulés de tous les voyageurs qu’il transporte, et il devient l’un des initiateurs de Siddhartha. 
 
Le réalisateur de ce film reportage, documentaire, Pierre Feuille Pistolet, Maciek 
Hamela, est un jeune adulte polonais qui a déjà réalisé des courts métrages et des 
podcasts radiophoniques. Ses réalisations ont étés primés dans plusieurs festivals.  
Il est entré en état de sidération, comme la majeure partie de la planète, après 
l’invasion généralisée des russes en Ukraine le 24 février 2022. Très vite il s’est posé 
la question : “Comment aider ?“  
 
Sa solution à lui, a été de casser sa tirelire et d’acheter un grand van afin d’aider des 
réfugiés à fuir, des exilés civils, à quitter l’est, sous domination russe, dans des 
situations de plus en plus dangereuses, pour les amener à l’Ouest, jusqu’en Pologne. 
C’est au fur et à mesure des vas et viens qu’il a pris conscience de la réalité, grâce à 
la richesse de ces rencontres, que le projet de caméra s’est fait jour en accomplissant 
un “geste cinématographique“, très fort.  
 
C’est plus de 100 000 kilomètres qu’il a parcourus parfois dans des conditions 
extrêmes. La majeure partie du film est tournée dans la voiture en direction de l’arrière, 
ce qui accessoirement est un petit exploit technique vu les circonstances. Nous dans 
notre fauteuil de cinéma regardant, l’écran et l’écran nous donnant à voir ce qui se 
passe, là et maintenant. Aucune personne n’a été forcée, tout s’est fait de façon 
spontanée, juste sous la forme d’un récit, parfois d’un dialogue, simple, libre, fluide au 
fil des paysages qui défilent par les vitres latérales. Parfois le véhicule s’arrête, c’est 
l’opportunité de nouvelles rencontres et dialogues, notamment avec ceux qui restent 
sur place quoi qu’il arrive. Dans la voiture, avec cette caméra qui regarde et qui 
écoute, souvent en plans presque fixes, nous avons là une petite fenêtre étroite au 
sens propre et figuré, mais premier paradoxe, une petite fenêtre qui est grande 
ouverte. Avec ce rapport intime dans cet espace quasi clos, c’est comme si nous 
étions nous aussi, présents là au bord d’un fauteuil, chacun parle, nous parle, à nous, 
quand il ou elle le souhaite.

C’est une véritable entrée en matière de l’histoire ukrainienne au présent, c’est brut de 
fonderie, limpide, jamais un cri, jamais un reproche, jamais une critique de l’assaillant, 
juste des faits qui s’alignent doucement, lentement, comme une écriture avec des 
pleins, des déliés, des silences qui ponctuent le temps qui passe au détour des check-
points, de bâtiments éventrés, de routes défoncées, de mines à contourner, de ponts 
démolis, de détours imposés, ou des carcasses de matériel militaire détruites que l’on 
croise parfois, statiques, vides. C’est finalement ce vide, ce monde en creux, causé 
par la guerre qui est le plus dérangeant, le plus criant, le plus réel, pour nous spectateur statique.

Ce film constitué par l’amalgame de ces récits, est bien basé 
uniquement sur des éléments essentiellement factuels. Ceci a le gros avantage de 
nous laisser la liberté de notre propre interprétation. En ce sens voilà un reportage qui 
reste extrêmement objectif, puisque nous sommes libres de construire nos propres 
représentations.

Dans cette espèce de “road movie“, les passagers sont de tout âge, de tout statut, 
d’autre nationalité, de toute provenance, certains ne restent que le temps d’une halte, 
d’autres font le grand voyage vers l’exil, vers l’ailleurs. C’est une véritable tranche de 
l’Ukraine qui passe là en face de nous, le temps de cette “transhumance“, avec l’espoir 
de survivre et d’accéder à une vie meilleure, même démuni de tout et avec l’incertitude 
de l’avenir et d’un possible retour …. Un jour lointain ! Mais toujours espéré. 
 
La guerre est complètement, totalement là, présente, avec tous ses ravages, mais elle 
n’est jamais montrée en train de se faire. En ce sens ce film n’est jamais morbide, ce 
n’est pas un film de guerre, mais un film sur la guerre et ce qu’elle entraine de 
déshumanisation. Il y a donc dans cette réalisation et ce choix narratif, un grand 
contraste, quasi paradoxal à faire un film dont la majeure partie porte justement sur ce 
qui est le plus humain, la construction du lien alimenté par le récit. Par exemple, le titre 
surprenant sort de la bouche d’un enfant, qui malgré tout cela, et malgré tout ce qui se 
passe, reste toujours un enfant. Et cela est fort. 
 
Pierre Feuille Pistolet, est à la fois très simple et très difficile à voir, à supporter. 
Pourtant, strictement rien ne nous met en danger, nous devant l’écran, face à ces 
exilés, nous tranquille sur notre siège de spectateur. Mais ces récits ont le pouvoir de 
nous pénétrer, de nous immerger complètement et de nous faire profondément 
ressentir ce qui se passe en vérité en Ukraine, et ce depuis 2014 avec l’intensification 
généralisée à partir du 24 février 2022. Dans notre sommeil, voir notre léthargie 
démocratique, ce film est très interpellant. Il est nécessaire, pour prendre réellement 
conscience et ne jamais pouvoir dire, je n’ai rien vu ni entendu, je ne savais pas, et de 
toute façon c’est loin à l’est. Comme sorte de leçon, ce film spécifique sur l’Ukraine a 
un côté universel et peut s’appliquer en quasi copier-coller à toutes les guerres 
passées, présentes et malheureusement possiblement à venir. Finalement, ce film 
interpelle aussi, parce que demain, devant la presque banalité de certains 
témoignages, c’est peut-être nous qui serons assis là, en train de raconter notre route 
vers un ailleurs …. 
 
Ce moment d’intimité avec ces déracinés est finalement un incroyable moment de 
partage, d’espoir et d’humanité. Ce film est à voir et à revoir, parce que même lent, 
tout va si vite. Il a une véritable valeur de témoignage dans la rencontre avec ces 
trajectoires de vie. Il suffit de se laisser transporter, comme un autre des passagers de 
ce van, passeur de frontières.  
Et là, comme pour Siddhartha, de Hermann Hesse, réside le secret de ce “Passeur“, dont 
le nom est : Maciek Hamela. 
 
Écrit par: Jean-François Bau  
Administrateur association Lyon-Ukraine 
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